

Football | Chaos Inter
LE SYNDROME SCHETTINO
l'Inter essuyait dimanche soir son 5ème revers en 23 jours. Bologne est venu s'ajouter aux Novara, Roma, Lecce ou encore Napoli tous tombeurs des nerazzurri récemment. Un président silencieux, un entraîneur impuissant, des joueurs nonchalants : autant de symptômes critiques pour une équipe pourtant habituée à réagir mais qui visiblement n'y parvient plus. Du toit du Monde à la risée de l'Italie en moins de 2 ans, un véritable naufrage qui pourra difficilement s'interrompre sans commandant à bord...
Aucune réaction de son équipe, le président Moratti quitte le stade. C'est ce qui s'est produit dimanche soir, à la 65ème minute de la rencontre de Serie A opposant l'Inter à Bologne. Les nerazzurri pourtant menés 2-0 sur leur terrain ne donnent aucun signe de riposte. L'avènement d'une cinquième défaite en l'espace de 23 jours est la goutte de trop. Les supporters sifflent, le président quitte les travées. Un choix qui lui permettra d'éviter de boire la tasse une troisième fois de la soirée avec le dernier but bolonais. Reste une problématique inquiétante et désormais révélée aux supporters : à l'image du commandant Schettino, Moratti fuit ses responsabilités du navire qui ne cesse de prendre l'eau depuis fin 2010 et n'est pas loin de connaître la triste fin du Costa Concordia. Pourtant, l'Inter dominait le Monde il y a tout juste 14 mois en arrière...
Après Mourinho, les ténèbres
Le soir du 22 mai 2010, l'Inter regarde l'Europe de haut. Les nerazzurri remportent la Champions League en battant 2-0 le Bayern Munich et valident ainsi un invraisemblable triplete (championnat, coupe d'Italie, champions league). Le grand artisan de cette saison aussi historique qu'inespérée n'est autre que l'entraîneur portugais, José Mourinho. Certes, avant son arrivée l'Inter n'avait déjà pas de mal à dominer la péninsule, encore frappée par les effets collatéraux de l'affaire Calciopoli. Toutefois, l'Inter ne remportait plus la Champions League depuis 45 ans. Il va sans dire que cette compétition était devenue une véritable obsession pour le président Moratti et les supporters. Une obsession assouvie par le Special One qui, fort intelligemment, laissera son poste à l'issue de la finale de Madrid.
Difficile de repartir quand on a tout gagné. Ou presque. Car comme l'a répété Mourinho en partant, "Mon successeur peut s'estimer chanceux : il reprendra la meilleure équipe européenne et aura immédiatement la possibilité de remporter trois trophées supplémentaires avec la Supercoupe d'Italie, la Supercoupe d'Europe et le Mondial des Clubs". Et le successeur choisi par Moratti est Rafael Benitez, en provenance de Liverpool. C'est à lui qu'incombera la difficile tâche de prospérer le règne nerazzurro en Italie, en Europe et dans le Monde.
v BENITEZ (2010-11)
A son arrivée, le technicien espagnol laisse tout de suite entrevoir un message subliminal. A savoir que l'Inter a tout remporté mais son jeu peu largement être perfectionné. Après tout, l'Inter de Mourinho a surtout été basée sur une assise défensive de premier ordre et des contres rapides parachevés par le réalisme de Milito et Eto'o. Benitez, lui, souhaite que son équipe soit en mesure de dominer ses adversaires de fond en comble. En commençant par la possession de balle. Pour cela Rafa' Benitez fait 4 noms à Moratti. Mais plutôt que les arrivées des Steven Gerrard et autres Dirk Kuyt (comme le voulaient les rumeurs), c'est le jeune talent Mario Balotelli qui sera transféré à Manchester City. Fair-play financier oblige, Benitez devra se contenter des arrivées de Biabany, Mariga et Coutinho. Nonobstant, l'idée de Benitez reste intacte : passer d'une formation attentiste à un 4-3-3 offensif.
La saison commence plutôt bien avec le succès en Supercoupe d'Italie, 3-1 sur la Roma. Une joie qui sera de courte durée. Une semaine plus tard, Benitez goûte déjà aux critiques avec la défaite aux dépens de l'Atletico Madrid (2-0) pour le compte de la Supercoupe d'Europe. Initialement, le gros problème de Benitez est la difficulté qu'éprouve l'équipe à assimiler le nouveau style de jeu. En Serie A, le premier match se solde par un nul à Bologna avant d'enchaîner avec trois victoires devant l'Udinese, Palermo et Bari. Mais à la 5ème journée, l'Inter tombe à l'Olimpico face à la Roma (1-0). Les doutes reviennent de plus belle lorsque la journée suivante, l'équipe ne parvient pas à se défaire de la Juventus à domicile (0-0). La grogne commence gentiment à se généraliser. Non seulement l'équipe ne produit pas davantage de jeu qu'avec Mourinho mais en plus elle perd en stabilité défensive. Sans parler de Milito, héroïque la saison du triplete, qui rate toutes ses prestations depuis. Néanmoins, l'Inter ne perd pas trop de terrain au classement puisqu'à la veille de la 12ème journée, l'équipe pointe en tête. L'heure du Derby est arrivée. L'ennemi juré des interistes, l'AC Milan, s'est renforcé en été avec les acquisitions de Boateng, Ibrahimovic et Robinho. Zlatan Ibrahimovic, lui, l'ancien benjamin des tifosi nerazzurri se retrouve en face. Et c'est justement Ibrahimovic qui inscrira le seul but de la rencontre permettant à l'AC Milan de prendre le pouvoir au classement. Sans le savoir, c'est probablement ce soir-là que Benitez perd sa place sur le banc. Officiellement, il ne sera remercié qu'un mois plus tard après avoir remporté la Coupe du Monde des Clubs contre Mazembe. Le navire a déjà entamé sa descente...
vv LEONARDO (2010-11)
Le choix de Leonardo est plus symbolique qu'autre chose pour Massimo Moratti. En effet, il cherchait un entraîneur capable d'assurer l'intérim jusqu'à la fin de la saison mais surtout de ramener une ambiance sereine dans le groupe. Le fait que Leonardo provient d'un glorieux passé rossonero, équipe qu'il a par ailleurs entraîné la saison précédente avant d'être remercié, n'est qu'un clin d'oeil. Soit, Leo est là et compte bien y rester. Son objectif est celui de réussir là ou Benitez a échoué : apporter un style de jeu attractif.
Avec Leonardo l'équipe se ressoude, accueille Giampaolo Pazzini, Houssine Kharja ou encore Nagatomo et enchaîne, jusqu'au mois d'avril, des séries de 3 victoires ponctuées d'un coup d'arrêt. A l'image de ce qu'il avait réussi à produire à l'AC Milan, Leonardo régale les supporters avec une équipe vouée à l'attaque mais qui concède également du terrain à ses adversaires. 10 victoires en un peu plus de deux mois, ont propulsé l'Inter dans une remontée extraordinaire baptisée "Leomuntada". Le point culminant de cette remontée est programmé pour le soir du 2 avril 2011 et l'incontournable derby Milan-Inter. L'Inter n'est plus distancée que de deux longueurs des rivaux. Ce soir-là, Leo s'attend à un climat hostile à son égard en raison de sa "trahison ultime". En revanche, ce que Leonardo n'aurait pu imaginer c'est que 36'' suffiraient à Pato pour donner l'avantage au Milan. Une heure de jeu plus tard, c'est encore Pato qui trompe la vigilance de la défense nerazzurra avant que Cassano ne vienne parachever la démonstration des rossoneri qui renvoient l'Inter à -5 points. Pas le temps de se morfondre puisque l'Inter joue son avenir européen trois jours plus tard en huitième de finale face au Schalke 04. Cette fois-ci, ce sont les hommes de Leonardo qui ouvrent le score après une seule minute de jeu. Malheureusement pour eux, le reste de la soirée sera cauchemardesque avec une défaite cuisante à domicile : 5-2 !
Ciao Serie A, Adieu Champions League et le tout en trois jours. Il était évident que l'aventure de Leonardo à l'Inter n'aurait pu se prolonger au-delà de la fin de saison et ce indépendamment de la victoire de la Coupe d'Italie fin mai. Survint alors le toto-entraîneur : qui pour reprendre les reines de ce navire qui sombre toujours davantage ?
vvv GASPERINI (2011-12)
Après une saison tumultueuse mais néanmoins sauvée avec la 2ème place au classement, l'été de l'Inter reste mouvementé. La succession de Leonardo reste incertaine jusqu'à la fin du mois de juin. Finalement, Leonardo s'envole à Paris et Moratti engage Gasperini, ancien entraîneur du Genoa. Cette fois-ci, le projet semble enfin concret : reconstruction. Effectivement, Gasperini aime faire jouer ses équipes avec un 3-5-2 tout en dynamisme et explosivité. Pour ce faire, Gasperini demande trois joueurs : un défenseur, un milieu et Palacio. Résultat ? Prétextant le fair-play financier, Moratti vend Samuel Eto'o au club russe de l'Anzhi (28 M€) et essaie d'engager Lavezzi ou Sanchez (plutôt que Palacio) pour compenser. En vain. Lavezzi reste au Napoli, Sanchez s'envole pour Barcelone et Gasperini devra se contenter des arrivées de Jonathan, Alvarez, Forlan et Zarate.
La première échéance pour Gasperini et ses joueurs est fixée pour le 6 août à Pékin. L'évènement ? La finale de la Supercoupe d'Italie. L'affiche ? Ni plus ni moins que le derby : Milan-Inter. L'Inter semble en meilleure condition physique que les milanais et partent immédiatement à l'offensive. Les hommes de Gasperini seront récompensés de leurs efforts lorsqu'à la 22ème minute, Sneijder inscrit le 1-0 sur un coup-franc décentré. Mais la musique change en seconde période avec un Milan plus dynamique et entreprenant. A l'heure de jeu, Ibrahimovic égalise d'une tête plongeante sur un centre de Seedorf puis neuf minutes plus tard, Pato arme une frappe qui s'en va heurter le poteau mais sur laquelle Boateng a bien suivi et n'a plus qu'à pousser le cuir au fond des filets : 2-1 et un nouveau trophée qui file dans les mains de l'ennemi.
Après ce premier revers douloureux, l'Inter débute son championnat face au Palermo. Une rencontre spectaculaire qui se termine en faveur des siciliens (4-3) et laisse entrevoir les limites de l'idée de jeu de Gasperini. Des limites qui se confirmeront trois jours plus tard avec une invraisemblable défaite à domicile contre les turcs de Trabzonspor (1-0) lors de la première journée de Champions League. Le 17 septembre, l'Inter prend son premier point de la saison grâce au 0-0 à domicile contre la Roma. Mais une fois encore, trois jours plus tard l'Inter s'incline à nouveau. Cette fois-ci, il s'agit du néo promu Novara qui remporte le match 3-1. La défaite de trop pour Gasperini qui se voit remercier 3 mois seulement après son arrivée. En cause, son entêtement avec un style de jeu qui ne correspond pas aux joueurs de l'effectif, une grogne générale des tifosi, des cadres de l'équipe ainsi que plusieurs incompréhensions avec le président Moratti. Il n'en fallait pas plus pour passer au successeur en espérant que celui-ci arrive enfin à inverser une tendance négative qui perdure.
vvvv RANIERI (2011-12)
Le nouvel élu est un fin connaisseur du calcio. Il s'agit de Claudio Ranieri, ancien coach de la Roma. L'arrivée de Ranieri ne coïncide pas immédiatement avec une stabilité des résultats. Jusqu'à décembre, l'Inter enchaîne aussi bien les victoires (5) que les défaites (3) en championnat alors qu'en Champions League, l'équipe aligne 3 précieuses victoires qui la replace en tête de son groupe. Mais la saison des interistes va connaître un nouveau tournant avec la fin d'année. Bien que décembre commence avec une défaite contre l'Udinese (1-0) et une autre en Europe face au CSKA Moscou (1-2), l'Inter va enfin réussir à réaliser une série de prestation positives. L'équipe enchaîne 6 victoires consécutives dont le précieux Derby remporté grâce à un but du retrouvé Milito. Des résultats qui laissent songeurs en vue de la nouvelle année.
L'Inter recommence bien l'année avec une septième victoire d'affilée pour le compte des huitièmes de finale de la Coppa Italia : 2-1 au Genoa. Toutefois, la semaine suivante les nerazzurri s'inclinent face au Napoli (2-0) et salue ainsi une première compétition. Ce qui sur le papier semble une simple erreur de parcours va finalement se révéler comme l'élément déclencheur d'une nouvelle embardée négative. Les hommes de Ranieri s'inclinent à Lecce (1-0), égalise dans un rocambolesque affrontement face au Palerme (4-4) avant de concéder une lourde défaite face à la Roma de Luis Enrique (4-0). Cette Inter qui semblait pourtant avoir retrouvé son assise défensive et sa veine réalisatrice, se retrouve une nouvelle fois à la case départ : des incertitudes, la grogne des supporters et un entraîneur à la recherche de solutions pour relancer les siens. Des solutions que Claudio Ranieri devra rapidement trouver et la dernière défaite concédée ce dimanche face au Bologna (3-0) ne le facilitera pas dans son devoir. Mercredi soir, l'Inter jouera son avenir européen à Marseille : une défaite pourrait être fatale à Claudio Ranieri.
Absence de projets, instabilité, et maintenant ?
Le 28 mai 2010, Mourinho quittait officiellement l'Inter pour rejoindre le Real Madrid. 21 mois plus tard que reste-t-il de son fabuleux patrimoine ?
Exactement 13 des 29 joueurs à disposition du portugais lors de la saison du triplete. Faute de mieux, 9 de ces joueurs sont encore considérés comme des titulaires inamovibles : Julio César, J.Zanetti, Chivu, Samuel, Lucio, Maicon, Cambiasso, Sneijder et Milito. Soit une moyenne avoisinant les 33 ans pour la colonne vertébrale de l'équipe ! Autant dire que si ces joueurs sont toujours aussi importants pour l'équipe, cela signifie également qu'il y a eu un gros manquement dans le renouvèlement de l'effectif.
Pourtant des jeunes sont arrivés : Ranocchia, Poli, Obi, Coutinho, Castaignos, Alvarez ou encore Juan. Mais combien ont réellement confirmés leur potentiel ? De cette liste, seul Poli réussi à réaliser de bonnes prestations en continue. Ranocchia et Alvarez alterne le bon et le moins bon. Les autres bénéficient de très peu de temps de jeu. On relèvera néanmoins les bonnes performances de Davide Faraoni, promu de l'équipe Primavera du club. Mais vous consentirez que c'est limite pour une équipe de rang tel que l'Inter. C'est alors qu'on mentionnera qu'outre Mourinho, l'équipe s'est aussi séparée d'un certain Oriali qui se chargeait du recrutement du club. Un poste occupé depuis par Branca, particulièrement décrié dernièrement. Mais il n'est pas de loin pas le plus critiqué.
La palme revient à Massimo Moratti. Qu'elle est loin cette douce nuit madrilène de mai 2010, où Massimo était porté en triomphe par ses joueurs et son nom scandé par les tifosi nerazzurri. Il avait été désigné comme le premier complice du héro (José Mourinho). Après tout, c'était lui qui était parvenu à faire venir le Special One et lui avait donné carte blanche pour le mercato. Oui mais voilà, une fois Mourinho parti, Massimo Moratti est retombé dans ses travers d'antan. Il a enchaîné les entraîneurs sans jamais écouter intégralement leurs requêtes et pire, a réalisé des transferts sans toujours les consulter. Ainsi, Moratti n'a fait que de multiplier les incompréhensions avec ses coachs, leur faisant perdre toute crédibilité vis-à-vis des joueurs. Un exemple ? Le dernier en date, le transfert de Thiago Motta au PSG. Claudio Ranieri était persuadé que Motta resterait jusqu'à la fin de la saison, Moratti le lui avait garanti. Mais il n'en sera rien, Motta est parti lors du mercato hivernal et Ranieri s'est retrouvé avec un précieux joueur en moins et un problème en plus. Mais à l'image de la contestation de dimanche, les supporters ont bien compris que le malheureux Ranieri est plus victime qu'acteur dans ce naufrage. Lui est toujours présent dans le navire et essaie tant bien que mal de sauver ce qu'il en reste. Celui qui est moins pardonnable en revanche, c'est Moratti qui quitte son siège au beau milieu du naufrage laissant le reste du staff et les spectateurs voués à eux-mêmes. Un geste lâche accompagné d'un silence qui ne fait que compliquer une situation instable. Un geste digne du tant décrié commandant Schettino.