CDM 2014 : les enjeux

 


LE BRÉSIL

SOUS PRESSION

 

 

 

 

La grande fête du football international débute ce jeudi au Brésil. Si les yeux de tous les amateurs du ballon rond seront rivés sur le match d'ouverture (Brésil-Croatie à 22h00), ce dernier lancera également un tout autre genre d'hostilités. Le peuple brésilien est certes prêt à vibrer mais il revendique aussi de meilleures conditions de vie. Sous pression, la Seleçao parviendra-t-elle à faire rêver les siens ?

 

 

Elle est enfin de retour ! Après quatre longues années d'attente, la Coupe du Monde s'apprête à reprendre ses droits jeudi au Brésil. Un Mondial au pays du football : que demande le peuple ? Si l'affiche vend du rêve, la réalité est malheureusement moins rose.

 

Ambiance tendue

 

Le peuple brésilien, justement, manifeste son mécontentement contre l'état depuis plus d'une année. La population réclame des investissements massifs dans les transports publics, la santé et l'éducation. Une meilleure qualité de vie, en somme. Ces mouvements sociaux, qui ont aboutis sur des grèves à la chaîne, ont eu pour effet de retarder les travaux du Mondial. Les Brésiliens ne conçoivent pas les énormes investissements liés à cet événement alors que leur niveau de vie est, pour une bonne partie d'entre eux, à la limite de la décence. À cela, il convient d'ajouter les nombreuses expulsions des quartiers pauvres et l'augmentation du coût de la vie. La coupe est pleine pour le peuple qui attend de pied ferme l'arrivée des caméras du monde entier pour se faire voir et entendre. L'ambiance s'annonce tendue...

 

La clé du bonheur


Le Brésil demeure malgré tout un pays où l'on respire le football. À juste titre puisque la Seleçao a déjà remporté la Coupe du monde à cinq reprises (un record). Les Brésiliens sont donc prêts à vibrer avec leur sélection. Cette année, il y a d'ailleurs un bien malheureux précédent à effacer : celui de la défaite face à l'Uruguay, à domicile (!), en finale de la Coupe du Monde 1950. Aucun Brésilien ne souhaite vivre cela une seconde fois. Les coéquipiers de Neymar sont avertis, seule la victoire sera belle. Plus facile à dire qu'à faire compte tenu des 31 autres sélections débarquant au pays avec les mêmes intentions. L'Espagne, pour n'en citer qu'une, championne du monde en titre et également double championne d'Europe, souhaite se refaire de la cuisante défaite essuyée l'année passée contre le Brésil (3-0), en finale de la Coupe des Confédérations 2013.

Le Brésil n'aura pas la tâche facile face à la pression populaire mais la Seleçao a déjà prouvé qu'elle détenait la clé du bonheur. À Scolari et ses joueurs d'entraîner le peuple dans un rêve éveillé pour aller décrocher une sixième étoile.

 

En attendant, regardons plus en détail les forces en présence des différentes sélections de cette Coupe du Monde 2014.

LES FAVORIS

BRÉSIL. Sur l'élan de sa victoire en Coupe des Confédérations (CDC), l'équipe entraînée par Felipe Scolari aura un seul objectif en tête pour ce Mondial à domicile : reconquérir le sacre faisant défaut depuis 2002. L'équipe est armée pour et le peuple en n'attend pas moins. La Seleçao, qui s'apprête à disputer le match d'ouverture face à la Croatie, fait l'objet d'un paradoxe. Toujours réputée ses joueurs offensifs de rêve, cette année les joueurs plus représentatifs évoluent dans le secteur défensif. Julio Cesar dans les cages, Thiago Silva (le capitaine) mais aussi David Luiz (nouveau parisien) auxquels il faut ajouter les latéraux de la Liga, Marcelo et Dani Alves. Une solidité défensive (3 buts encaissés en 5 matchs) mais également un réalisme offensif avec 14 buts inscrits (un de moins que l'Espagne) lors de la dernière CDC. L'exception qui confirme la règle répond au nom de Neymar. L'élu. Celui qui sera peut-être un jour considéré comme le digne héritier du Roi Pelé. Les similitudes sont frappantes. Les deux ont fait leur gamme au sein du légendaire club de Santos - 643 buts pour Pelé soit une moyenne de 33 buts par saison, Neymar répond avec 136 buts pour une moyenne de 27 buts - et se sont vus attribués le célèbre numéro 10 en sélection. Pelé était parvenu à inscrire 77 buts avec le Brésil. Du haut de ses 22 ans, Neymar en est déjà à 31 buts et pourrait donc devenir un jour le meilleur buteur dans l'histoire de la Seleçao. À l'inverse, il sera difficile pour quiconque d'égaler les 3 Coupes du monde remportées par Pelé. Il y a malgré tout un début à tout. Le Brésil est favori et pour Neymar l'heure de confirmer les attentes est arrivée : à lui de transcender l'équipe vers la sixième étoile.

ESPAGNE. Doit-on encore les présenter ? Leur récent palmarès parle pour eux : champion d'Europe 2008, champion du monde 2010, champion d'Europe 2012. Inutile de préciser qu'il s'agira une fois de plus de l'équipe à battre lors de cette joute brésilienne. Si le Brésil aura l'avantage d'évoluer à domicile, les Espagnols pourront compter sur un effectif bien rôdé et un style de jeu qui a déjà fait ses preuves. La route vers le Brésil n'était pourtant pas des plus aisée puisque la Roja s'est retrouvée dans un groupe composé de seulement 5 équipes et comprenant l'Équipe de France. Défi relevé avec la manière : 6 victoires, 2 nuls et aucune défaite avec 14 buts inscrits pour seulement 3 encaissés. Autant dire que si l'on avait encore des doutes quant aux motivations des Espagnols, ceux-ci sont définitivement levés. Au Brésil, Vicente del Bosque pourra compter sur des renforts de choix tels que Diego Costa (36 buts en 50 matchs cette saison) et Koke, tous évoluant à l'Atletico Madrid, finaliste malheureux de la dernière C1...100% espagnole. Le sélectionneur ibérique n'oublie pas pour autant ceux qui ont contribué à écrire des pages d'histoire de la Roja : Fernando Torres et David Villa ont également été conviés pour ce Mondial. Rien de particulier à déclarer dans les autres secteurs de jeu, les visages sont connus et les compétences reconnues. Orgueilleux, les Espagnols comptent bien ne pas laisser impuni la défaite en Coupe des Confédérations. Gare à les annoncer sur le déclin !

ALLEMAGNELa Mannschaft ou l'équipe qui aurait pu remporter les trois grandes dernières compétitions si il n'y avait pas eu la meilleure équipe d'Espagne de l'histoire. En 2008, l'équipe s'incline en finale contre l'Espagne (1-0). Deux ans plus tard, c'est encore la Roja qui fait défaut aux Allemands (1-0), cette fois-ci en demi-finale de la Coupe du Monde 2010. Enfin, lors du dernier Euro 2012, c'est l'Italie (victorieuse 2-1), leur bête noire attitrée, qui les prive d'une nouvelle finale contre l'Espagne. Deux demi-finales et une finale accumulées lors des trois dernières compétitions font de l'Allemagne la deuxième équipe de la planète en terme de régularité. Depuis 2006 et son Mondial à domicile, on a l'impression que l'équipe est en constante progression sans jamais parvenir pour autant à faire la décision au moment de vérité. Le Brésil devrait être la dernière chance de gloire pour les rescapés du Mondial 2006 (Mertesacker, Lahm, Schweinsteiger, Podolski et l'éternel Klose). Certes, la perte de Marco Reus (blessé) à quelques joues du début de la compétition ne facilite pas la tâche des hommes de Joachim Löw. Cependant, le groupe allemand peut compter sur un vaste effectif de qualité et la carte de visite de l'équipe, qualifiée à la force de 9 victoires pour un seul match nul, est là pour le témoigner. À la veille de ce Mondial, la sélection allemande est moins plébiscitée que par le passé. À Löw et les siens de surprendre tout leur monde.

LES OUTSIDERS

ARGENTINE. Tête de série de nos outsiders, l'équipe d'Argentine dirigée par Alejandro Sabella. Depuis son intronisation à la tête de l'Albiceleste, il y a 3 ans, le technicien a accumulé des statistiques en sa faveur. Son équipe a remporté le 61% des rencontres disputées soit 21 victoires, 9 nuls et seulement 4 défaites. Sur la route pour le Brésil, l'Argentine a inscrit en moyenne 2 buts par match (2.1) et en a encaissé moins qu'un (0.93). Autrement dit, l'Albiceleste est moins prolifique que par le passé mais bien plus solide défensivement. Lorsqu'on connait les qualités des attaquants argentins (Messi, Agüero, Higuain, Palacio, Lavezzi), on se dit tout compte fait que Sabella a eu raison de concentrer ses efforts sur la phase défensive. Une bonne assise est fondamentale à ce niveau-là et c'est justement ce qui a bien souvent fait défaut à toute une génération pour qui Brésil 2014 sera vraisemblablement la dernière compétition internationale. Les motivations n'en seront que décuplées et si Messi parvenait à retrouver son niveau... le rêve le plus fou serait permis !

ITALIE. D'une Coupe du monde à l'autre, la Squadra Azzurra s'est littéralement transformée. Il faut dire que l'Italie repartait de loin après la débâcle essuyée en Afrique du Sud. En 2010, les joueurs de Lippi, champions du monde en titre, s'étaient fait sortir dès le premier tour de la compétition sans avoir remporté le moindre match (2 nuls et une défaite dans un groupe composé du Paraguay, de la Slovaquie et de la Nouvelle-Zélande). Lippi a rebroussé chemin et Prandelli est arrivé à la rescousse. Le moins que l'on puisse dire c'est que le nouveau sélectionneur n'a pas choisi le chemin de la facilité pour guider la Nazionale vers une "renaissance" : parier sur des joueurs certes talentueux mais aussi capricieux (Cassano et Balotelli) et pousser toute l'équipe à produire du jeu avant de penser à le contrer. Une idée bien différente d'appréhender le football pour une équipe pourtant réputée pour sa tradition défensive. Mais les résultats ont vite donné raison à Prandelli avec une 2e place à l'Euro 2012 et une 3e place à la dernière Coupe des Confédérations. Lors de ces deux occasions, c'est l'irrésistible équipe d'Espagne qui avait coupé l'herbe sous le pied des Italiens. Après une qualification obtenue en temps record, Prandelli a dû faire des choix. Fidèle à lui-même, il n'a pas usé la carte de la facilité en rajeunissant son effectif à l'occasion du Mondial brésilien. Ainsi, sept nouveaux joueurs âgés de 21 à 26 ans ont intégré le groupe. Prandelli, qui a déjà séduit son monde, va maintenant devoir le conquérir. Buffon, Barzagli, Pirlo et De Rossi, les derniers champions du monde encore présents, sont prêts à encadrer la relève et la diriger vers la gloire. Au Brésil, Balotelli et les siens ne seront pas favoris mais c'est souvent dans ces conditions là que l'Italie se révèle redoutable. À bon entendeur.

PORTUGAL. Malgré son élimination en demi-finale de l'Euro 2012, la génération portugaise semble gentiment s'essouffler. Au point que peu sont ceux qui donnent du crédit à l'équipe de Bento à l'aube de ce Mondial. Le sort du Portugal dépendra vraisemblablement de l'état de santé d'un Cristiano Ronaldo usé par la saison exténuante qu'il vient de disputer. Gageons que le Ballon d'Or fera des pieds et des mains pour disputer cette compétition dans les meilleures conditions et porter les siens vers le sommet. Néanmoins, la tâche ne s'annonce pas aisée pour une sélection qui peine cruellement à se renouveler (40% de l'effectif a plus de 30 ans). Ceci dit, le Portugal étant passé on ne peut plus proche d'une élimination, l'équipe avait dû décrocher son ticket per le biais des barrages, n'aura pas grand chose à perdre au Brésil. Sans oublier les qualités intrinsèques des joueurs de Bento. Placé dans un groupe G de tous les dangers (Allemagne, Ghana et États-Unis) le Portugal n'aura pas énormément de marge de manoeuvre. Dans ce sens, la première rencontre face à l'Allemagne pourrait rapidement levé les derniers doutes sur les possibles ambitions de celle que l'on surnomme la Selecção das quinas.

FRANCE. La France ne part pas dans l'idée de remporter le Mondial mais plutôt de préparer l'Euro à domicile dans deux ans. La sélection retenue par Didier Deschamps pour disputer la Coupe du Monde 2014 se veut donc jeune (9 joueurs de moins de 25 ans) et disciplinée (exit un élément perturbateur comme Nasri). La France a dû batailler dur pour décrocher son sésame pour le Brésil en se défaisant de l'Ukraine en barrage. Voilà pourquoi les Bleus n'auront pas grand chose à perdre au pays du football. L'objectif prioritaire sera de rapprocher les supporters de leur équipe en faisant preuve de valeurs qui ont bien trop souvent fait défaut dernièrement. Privés de Ribéry (blessé), les Tricolores peuvent malgré tout compter sur une belle génération émergente : Varane, Digne, Pogba et autres Griezmann auront l'occasion de faire valoir leurs qualités. Placée dans un groupe à sa portée, la France a toutes les cartes en mains pour se faciliter la vie au Brésil. La route menant jusqu'aux quarts ne semble pas impossible pour les hommes de Didier Deschamps. Deschamps ou le gage de réussite, lui qui a obtenu des résultats partout où il est passé. Impossible n'est pas français, comme le dit le slogan.

PAYS-BAS. Bien malin celui qui peut situer précisément la sélection hollandaise cette année. Les Oranje ont soufflé le chaud et le froid sur les quatre dernières années avec une finale de Coupe du Monde en 2010 et une élimination dès le premier tour (3 défaites) lors de l'Euro 2012. Suite à l'échec cuisant du championnat d'Europe, Bert van Marwijk cède sa place à l'incontournable Louis van Gaal. Le sergent de fer faisait ainsi son retour sur le banc néerlandais dix ans après son départ. Sous la houlette de Van Gaal, l'équipe a de suite gagné en solidité (13 victoires, 7 nuls et seulement 2 défaites) et n'a pas éprouvé la moindre difficulté sur la route pour le Brésil en devançant la Roumanie de 9 points au classement. Les statistiques accumulées sont pour le moins impressionnantes : 9 victoires et 1 nul avec 34 buts inscrits pour seulement 5 encaissés. Soit une moyenne de trois buts marqués par match et un but encaissé tous les deux matchs. La sélection présente au Brésil a passablement été rajeunie (10 éléments ont moins de 25 ans) et notamment dans le secteur défensif. Aux avant-postes, Van Gaal s'appuiera sur l'expérience de Sneijder, Robben ou encore Van Persie pour tirer son épingle du jeu dans un groupe B à haut coefficient de difficulté (Espagne, Chili, Australie). Il y a 2 ans, le groupe de la mort s'était révélé fatal pour les Oranje. Au Brésil, il s'agira de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Au Brésil, les Néerlandais visent les quarts...et plus si affinités.

GARE AUX SURPRISES !

 

En vrac mais pas en vain, les autres équipes qui pourraient bien nous surprendre au cours de ce Mondial brésilien.

En tête des éventuelles surprises, difficile de ne pas citer la Belgique. Forts d'une génération dorée, les Diables Rouges ont survolé la phase éliminatoire : 9 points d'avance sur la Croatie, invaincus et seulement 4 buts encaissés dans un groupe somme toute relevé. Au Brésil, Marc Wilmots et les siens auront sans l'ombre d'un doute un coup à jouer. Le Chili aussi pourrait créer la surprise malgré un groupe relevé composé des deux finalistes de la dernière Coupe du monde et de l'Australie. La formation chilienne peut compter sur un effectif expérimenté et, contrairement à ses adversaires, elle devrait mieux absorber les conditions climatiques. L'Uruguay et l'Angleterre seront opposées à l'Italie et le Costa Rica dans un groupe D du tonnerre. Ces deux sélections pourraient bien jouer un mauvais tour aux Italiens et s'enfiler en huitièmes. La Celeste jouera la carte de l'expérience et les Three Lions celle de la jeunesse.

Attention également à la Suisse du vieux loup Hitzfeld. Après avoir manqué le dernier championnat d'Europe, la Nati est devenue une tête de série et aura à coeur de confirmer ses bons résultats au Brésil. Placé dans le groupe de son voisin français, Inler et ses acolytes ont les moyens de se hisser en huitième à condition d'avoir appris des erreurs du passé. Mentionnons également la Colombie et le Japon placées dans un groupe C (Côte d'Ivoire et Grèce) où il est bien difficile de dégager un favori. La sélection colombienne sera hélas amputée de son buteur, Falcao, mais possède un effectif rôdé qui n'a terminé qu'à deux longueurs de l'Argentine lors de la phase éliminatoire. Les Japonais, quant à eux, tenteront de reproduire les prestations encourageantes et la combativité démontrées lors de la dernière Coupe des Confédérations pour passer l'obstacle.

Dans le groupe A, la Croatie et le Mexique ne joueront pas sur le même créneau pour se disputer vraisemblablement la seconde place laissée par le pays hôte. Les Croates disposent d'un effectif expérimenté alors que les Mexicains, eux, ont passablement rajeuni leur sélection après avoir éprouvé toutes les difficultés possibles pour obtenir le droit de disputer ce Mondial. Autant dire que ces deux sélections n'auront rien à perdre, tout au contraire. Sans oublier, le Ghana, la Grèce, la Bosnie et la Russie de Capello qui ne comptent pas jouer un rôle d'arbitre dans leur groupe respectif. Ces sélections évolueront sans pression particulière sur leurs épaules mais avec une véritable carte blanche pour surprendre la critique.

 

 

 

 

EXCELLENTE COUPE DU MONDE À TOUS !