
Football | Chaos AC Milan
LE DÉPIT DE MALDINI
« ILS ONT DÉTRUIT MON MILAN »
Le joueur le plus capé dans l'histoire de l'AC Milan est revenu sur la situation chaotique du club, au cours d'une interview parue ce mardi dans la Gazzetta dello Sport. De Galliani à Barbara Berlusconi, d'Allegri à Seedorf, en passant par la structure du club et les transferts, l'ancien capitaine rossonero confie tout son désarroi.


Il a dédié la majeure partie de sa vie à un club qu'il ne reconnait plus aujourd'hui. Au cours de sa longue carrière, débutée en 1984 et achevée vingt-cinq années plus tard, Paolo Maldini s'est bâti l'un des plus prestigieux palmarès du football : 7 championnats d'Italie, 5 Coupes des Champions (avec le record de 8 finales disputées), 5 Supercoupes d'Europe, 5 Supercoupes d'Italie, 2 Coupes Intercontinentale, 1 Mondial des clubs et 1 Coupe d'Italie. Mais la légende de Paolo Maldini va bien au-delà de son palmarès. Son professionnalisme, son élégance, ses qualités techniques et humaines, sa loyauté ou encore sa disponibilité sont autant de qualités qui lui ont valu d'être respecté aux quatre coins du monde. La fidélité qu'il a témoignée au Milan finissait de le placer dans la légende. Pour Paolo, l'amour du maillot n'a jamais eu de prix.
Mais toutes les histoires d'amours connaissent des hauts et des bas. Et si celle de Maldini et du Milan a essentiellement connu les hauts, une mésaventure marqua l'homme. Bien plus encore que l'invraisemblable finale de Champions League perdue aux TAB contre Liverpool en 2005, malgré l'ouverture du score de Maldini et l'avantage de 3-0 à la mi-temps. Cette mésaventure est d'autant plus indélébile pour Paolo puisqu'elle est survenue le jour de son dernier match à San Siro. Ce jour-là, le 24 mai 2009, les Rossoneri s'inclinent face à la Roma (3-2). Une défaite qui passe en second plan puisque l'événement n'est autre que la fête de Maldini. Au moment d'effectuer son tour d'honneur pour remercier ses supporters, Paolo découvrait une bien mauvaise surprise en arrivant sous le virage de la Curva Sud. Il se fit conspuer par une poignée d'Ultras lesquels entonnaient un chant (« Il n'y a qu'un seul capitaine ») en l'honneur de Franco Baresi, son prédécesseur. Paolo applaudit ironiquement ses quelques détracteurs du jour et conclut son tour sous l'ovation du reste du stade. On apprendra par la suite que ces supporters lui reprochaient de les avoir critiqués à plusieurs reprises durant sa carrière. En somme, un règlement de compte de mauvais goût effectué et au pire moment possible. Touché dans son amour propre, Maldini se dira « fier de ne pas être un des leurs ». Il s'attendait surtout à une prise de position en sa faveur de la part des dirigeants du club. Il n'en sera rien. En 2009, Paolo Maldini et l'AC Milan se saluaient donc sur un malaise.

Depuis, le Milan a connu bien d'autres malaises : les transferts de ses meilleurs éléments, les départs des derniers cadres de l'équipe, le recrutement de joueurs pas au niveau, quatre éliminations en 1/8 et une en 1/4 de la Champions League, la succession de trois entraîneurs (Leonardo, Allegri et Seedorf) et des faits qui ne correspondent guère aux projets annoncés en début de saison. Qu'on se le dise, du côté de Milanello cela fait bien sept années qu'on évoque la "reconstruction". Plus précisément, dès le lendemain de la revanche de Paolo et ses acolytes contre Liverpool, en finale de la Champions League 2007. À défaut de bâtir sur l'avenir, Galliani et Berlusconi investissent pour Ibrahimovic et Robinho à l'été 2010. Deux joueurs qui permettent au club d'empocher un 18e titre de champion national et, dans la foulée, une Supercoupe italienne. Une simple parenthèse. Car durant ces cinq dernières années, l'AC Milan a bien plus souvent fait la une des médias pour une gestion chaotique et des résultats négatifs plutôt que pour des titres remportés. Désormais, Galliani ne s'envole plus à travers l'Europe pour revenir avec un futur ballon d'or mais pour le vendre !
De son côté, Paolo a rapidement donné sa disponibilité pour une reconversion au sein de la direction du club. Ses nombreux appels du pied resteront toutefois sans réponses. Maldini comprend qu'une personne (Galliani) ne souhaite pas spécialement collaborer avec lui. Et malheureusement pour l'ancien capitaine rossonero, il se trouve que c'est justement cette personne qui décide. Ceci dit, la donne n'était pas loin de changer en fin d'année 2013, lorsque Barbara Berlusconi critiquait ouvertement le travail de Galliani par voie de presse. Un affront pour l'administrateur délégué qui s'était dit prêt à remettre ses démissions à Silvio Berlusconi. Barbara, elle, s'était déjà mise en contact avec plusieurs personnes, dont Paolo Maldini, pour composer le staff devant prendre la succession. Finalement, Silvio Berlusconi parvenait à trouver un consensus entre sa fille et son bras droit : lui s'occupera de la partie sportive et elle de l'aspect marketing. Cependant, le fait qu'Ariedo Braida (fidèle de Galliani depuis 1986) quitte le club en janvier semble être le prélude de la révolution prévue cet été.
En attendant, devant la faiblesse des prestations de l'équipe et l'absence d'une once de projet, c'est un mélange de colère et de déception qui anime Paolo Maldini au moment de se confier à Fabiana Della Valle pour l'interview exclusive accordée à la Gazzetta dello Sport.
Le travail d'une décennie réduit à néant
Colère et déception. Tels sont les sentiments éprouvés par Maldini en observant les rencontres du Milan
ces deux dernières années. « J'ai l'impression qu'on a détruit tout ce
qu'on avait bâti lors des dix dernières années. C'est ce qui me fait le plus mal car je sais tout le travail qu'il y a derrière de nombreux succès et ce qu'il a fallu pour construire une histoire
aussi belle. Voir tout cela détruit me rend fou », introduisait Paolo Maldini.
La première raison de ce mal serait, selon l'ancien capitaine rossonero, le départ en masse de nombreux joueurs à la mentalité de gagnant. « Je crois que les succès dépendent avant tout des hommes. Beaucoup sont passés au Milan au cours de ces 25 ans, mais qui y travaille ? Aucun. Il y a tout juste Filippo Galli, responsable de l'Académie, et Tassotti (entraîneur adjoint, ndr) dont il se murmure qu'il pourrait partir en fin de saison. Au Bayern Munich ou au Real Madrid, les anciens cadres de l'équipe travaillent au club. Ca c'est le premier gros problème ».
Maldini reproche également un manque de clarté de la part de la direction. « Il n'y a pas de projet, on pense à aujourd'hui mais pas au lendemain ». Ce qui entraîne des recrutements discutables, « Il faut acheter des joueurs adaptés au système de jeu et non pas prendre uniquement des joueurs sans frais. Ca peut réussir une fois, mais pas
toujours. D'autant plus si tu lui offres un contrat pharaonique, ça ne sert à rien ». Un
problème d'ordre structurel avec le club qui n'a jamais jugé nécessaire de remplacer une figure comme Leonardo, pourtant si important dans l'évaluation des nouvelles
recrues. « Je pense que quand on se sent tout-puissant (Galliani, ndr) on ne comprend
pas que les résultats ont aussi été obtenus grâce aux autres », sanctionne Paolo.

Pour gagner, la passion ne suffit pas
Lors de l'interview accordée à la Gazzetta dello Sport, Maldini est revenu successivement sur Barbara Berlusconi, Allegri, Seedorf et Balotelli. Autrement dit, les principaux acteurs des derniers épsiodes du chaos milanais.
Il considère la fille du président capable de guider le club à condition de « bien s'entourer car elle n'est pas experte de football et de footballeurs. Nous avons eu deux entretiens ensemble en
fin d'année mais il n'y a pas eu de suite ». Quant au licenciement d'Allegri, il reconnait que « la situation au classement était mauvaise mais il n'a jamais pensé qu'un autre entraîneur puisse
faire mieux ou inverser la tendance ». Remplacé par Seedorf, un ancien compagnon d'aventure dont il
loue le courage et la personnalité avant de préciser, « même Guardiola ne
pourrait rien faire dans cette situation ». Au sujet du toujours controversé Mario Balotelli, l'avis de l'ancien
rossonero est limpide, « Ce n'est pas encore un champion. Il le deviendra le jour où je le
verrai porter l'équipe sur ses épaules durant 90 minutes. Jusqu'ici, il l'a fait par moment. Je ne le connais pas personnellement mais j'ai l'impression que s'il allait à la Juve, où il y a une
équipe avec des idées claires, un entraîneur dur et un groupe consolidé d'italiens, il prendrait une dimension supplémentaire », sans vouloir le blâmer pour autant, «
C'est une erreur de lui mettre autant de responsabilité sur les épaules. Il n'est pas le sauveur de la patrie ». En résumé, le club manque actuellement d'ingrédients
indispensables pour aspirer au succès.
« Pour gagner il faut des idées, un projet et une grande passion. Au Milan, il ne reste que
la passion et ça ne suffit pas », conclut Maldini.
À 45 ans, l'homme aux 902 matches avec le maillot rossonero est prêt à assumer un nouveau rôle (directeur sportif ?) pour son club. Son retour reste toutefois lié au départ de Galliani. Mais après le déménagement du siège du club (novembre), l'entrée de Barbara Berlusconi dans le conseil d'administration (décembre) et l'avancement du dossier pour le nouveau stade qui se précise, tout porte à croire que la révolution au sein du Milan est en route. Paolo Maldini n'attendait que ça.